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Avec le gaming, le talent wallon possède une filière de qualité

© ABRAKAM ENTERTAINMENT
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Aujourd’hui, le marché du jeu vidéo pèse un peu plus de 580 millions d’euros en Belgique.

En Wallonie, le secteur est en plein développement et peut compter sur des studios dans la région de Mons (Fishing Cactus - Nanotale et Epistory, Fire Falcon, Balio Studio - Garfield Lasagna Party...), de Charleroi (Appeal - Outcast 2, Maracas Studio, Badass Mongoose…), de Namur (Arteam, Little Big Monkey, Vigo Creative, Clever Trickster...) et de Liège notamment (Abrakam - Faeria et Roguebook, N-Zone, Wild Bishop, Pandaroo Interactive, Funtomata…).

Des écoles et un réseau actif

Pour que tous ces intervenants se parlent et interagissent, la Wallonie compte sur l’association WALGA, créée en 2015 par Jean Gréban, son coordinateur accompagné d’une équipe de 7 personnes : « Le potentiel du marché est de plus de 180,3 milliards au niveau mondial. Il est donc possible de créer des centaines d’emplois locaux. En Wallonie, il y a actuellement plus de 700 étudiants dans les écoles proposant des formations en développement de jeux vidéo ».

Pour rappel, cette association est soutenue et mandatée par la Région pour représenter et structurer l’écosystème jeu vidéo en Wallonie. Les membres de WALGA sont des studios de développement (PC, consoles, mobile, réalité virtuelle...), des start-ups, des prestataires de services, des écoles et centres de formation, des game labs universitaires, des organismes publics impliqués dans le jeu vidéo. « Nous travaillons en étroite collaboration avec Wallimage (pour le financement public) et l’Awex (pour l’exportation). La Région ne manque pas de talents : nous pouvons compter sur 3 Hautes Écoles spécialisées dans le développement de jeux vidéo (HEAJ à Namur, HEPL à Liège et HELHa à Mons), 2 centres de formation spécialisés dans le développement de jeux vidéo (Technocité à Mons et Technifutur à Liège). Un Master en développement de jeux vidéo (HEAJ/ HEH/Condorcet à Charleroi) a été créé sans compter deux Game Labs universitaires (ULouvain et ULiège) auxquels s’ajoutent un département IA (Numediart/UMons). Nous représentons tous les aspects du jeu vidéo : formations, création, activités E-Sport, ludopédagogie (serious gaming), gamification, game studies universitaires...»

Garder les talents au pays

Ce maillage de plus en plus dense permet aussi de mettre fin à un paradoxe. «Depuis 20 ans, le paradoxe était que l’on formait des jeunes de qualité chez nous et puis ils quittaient le pays… Parce qu’il y a une pénurie de main d’œuvre dans le monde entier mais un manque d’emploi chez nous faute de soutien public. Nous n’avions aucune difficulté à exporter nos talents en France, au Canada... C’était une aberration surtout qu’en plus, les jeunes belges et wallons consommaient les jeux créés à l’étranger» précise Jean Gréban.

L’après Covid

Après la pandémie, le secteur a enfin été accompagné par les autorités publiques : « Nous avions eu un premier subside de fonctionnement en septembre 2019 », explique encore Jean Gréban. « Après la pandémie, des programmes comme Get Up Wallonia et le Plan de Relance ont dégagé des moyens pour le secteur. Nous aidons, grâce au Tax Shelter, les studios à grandir : cela a été une bataille de près de 10 ans pour étendre le mécanisme de soutien financier du secteur de l’audiovi suel à celui du jeu vidéo. Cela permet de donner jusqu’à 25% de subsides, plafonnés à 1 millions d’euros, aux studios, leur permettant de créer des projets plus ambitieux mais aussi plus d’emplois. Pour rappel, 90% des dépenses dans les jeux vidéo, ce sont des salaires ». La Wallonie compte aujourd’hui une quarantaine de studios au lieu d’une vingtaine avant les aides publiques de ces deux dernières années. « Ces nouveaux studios ont pu démarrer grâce aux premiers financements publics. Enfin, nous accompagnons les jeunes qui veulent développer leur jeu vidéo à la sortie de leur formation scolaire». Le master, basé à Tamines, permet aussi de développer des compétences de management de projet pour faire émerger des futurs dirigeants de studios ou des projects managers de studios. «Nous veillons à ce que les cursus répondent aux besoins du marché. Nous avons été par exemple très attentifs à l’évolution récente de l’AI qui a été intégrée au cursus scolaire pour rester à la pointe de l’évolution. Nous ne voulons pas que nos étudiants soient dépassés à la sortie de leur formation».

Des métiers variés

Il ne faut pas oublier qu’il y a une quinzaine de métiers dans la création des jeux vidéo : tant au niveau technique qu’artistique mais aussi dans la vente, la communication… «La question de genre n’est pas oubliée : nous avons actuellement peu de filles dans le secteur. Il ne faut pas hésiter à les sensibiliser dès les primaires et les secondaires à ce secteur d’activité». Les stages en Belgique et à l’international sont importants pour le développement du secteur et les échanges de savoir et de compétences. «L’année passée, trois écoles françaises sont venues en Belgique. Nous avons aussi organisé la première Game Jam internationale belgo-japonaise avec plus de 180 étudiants (122 belges et 66 japonais), 18 projets réalisés en ligne durant un week-end sont disponibles sur itch.io, ont été streamés sur Twitch, ainsi que la retransmission de la cérémonie de remise de prix au Musée du Manga à Kyoto en présence de la Princesse Astrid, du maire de Kyoto et toute la délégation officielle belge».

Des projets concrets et du financement

Un autre acteur important soutient le secteur : Wallimage. « Notre mission, via nos investissements, est de générer un effet structurant sur les industries audiovisuelles et du jeu vidéo. Via notre département Entreprises, nous octroyons des prêts et prenons des participations au capital de certaines sociétés dont des studios de jeux vidéo », explique Mme Sophie Augurelle, chargée de la Ligne Gaming chez Wallimage. «Avec Wallimage Gaming, nous soutenons des projets grâce une subvention octroyée par la Région dans le cadre du plan de relance de la Wallonie (4 millions). En deux ans, nous avons organisé 4 appels à projets pour des projets en phase de préproduction ou en phase de production. Nous avons ainsi investi un peu plus de 3,5 millions dans l’industrie. Nous avons soutenu 27 projets différents développés par 25 sociétés wallonnes. Ce sont principalement des projets de divertissement développés par des studios indépendants wallons. Il y a aussi quelques coproductions principalement avec la France».

Le financement privé au niveau du jeu vidéo reste encore très compliqué en Wallonie. «Développer un jeu vidéo prend plusieurs années sans aucune garantie de retour sur investissement. C’est donc un investissement à risque. Nous investissons dans les projets de jeux vidéo sous forme d’avances conditionnellement récupérables. Concrètement, cela signifie que le fonds récupère son investissement grâce aux recettes générées par les ventes du jeu». Parmi les acteurs financiers, St’Art Invest, fond public (Bruxelles + Wallonie) pour les Industries Culturelles et Créatives, a investi dans le capital de plusieurs studios de jeux vidéo et octroyé des prêts. Les investisseurs locaux complètent les financements de Wallimage : Noshaq (Liège), Sambrinvest (Charleroi), IMBC (Mons)… ainsi que Wallonie EntreprendreLe Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel (FWB) propose des subsides pour le prototypage (7 lauréats en 2022 et 9 en 2023).

Bientôt un salon dédié exclusivement au jeu vidéo en Wallonie ?

Game Square est le premier salon dédié à 100 % au jeu vidéo en Wallonie (avec un focus sur les jeux des studios indépendants, les jeux en VR ainsi que l’E-Sport et les communautés locales). Il aura lieu le week-end du 4 et 5 mai au WEX de Marche-En-Famenne... L’occasion pour les créateurs soutenus par les différents appels à projet de la Wallonie et de la Fédération Wallonie-Bruxelles de présenter le prototype de leur jeu au grand public. Les lauréats du second appel à projets de Wallimage 2023 ont été annoncés début décembre :

  • Mega Gum - Golemus, porté par le studio BVGC (100.000 €)
  • Enoch: Children of Fate, porté par le studio Evil Pug (22.000 €)
  • Game Over : Mission planète Blork, porté par le studio Emotion Way Company (60.000 €)
  • Dice Rogue, porté par le studio eSolu (100.000 €)
  • Hello World : a developer story, porté par le studio Little Big Monkey Studio (42.500 €)
  • Hexfire : Echoes of Revenge, porté par le studio Mystale Games (40.000 €) → Blood Bar Tycoon, porté par le studio Clever Trickster Studio (150.000 €)
  • L’Histoire d’un Roi, porté par le studio Red Corner (60.000 €)

Par Vincent Liévin
Cet article est issu de la Revue W+B n°163.

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