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Sarah Baatout, en route pour Mars

Sarah Baatout lors de sa masterclass à l’Exposition universelle de Dubaï © J. Van Belle -WBI
Sarah Baatout lors de sa masterclass à l’Exposition universelle de Dubaï © J. Van Belle -WBI

Si certains ont de beaux projets d’escapade, Sarah Baatout, elle, vise carrément la planète Mars.

La Directrice de l’unité de radiobiologie au SCK CEN (Centre de recherche nucléaire belge) depuis plus de 20 ans a à coeur de décrypter le comportement de notre corps dans des conditions  extrêmes, condition indispensable pour des vols de longue durée dans l’espace, et en particulier, face aux rayonnements cosmiques.
 
Pour les chanceux présents sur le Pavillon Belge lors de la Semaine Wallonie-Bruxelles à l’Expo universelle de Dubaï, qui ont pu écouter la Masterclass sur l’aérospatial en Wallonie et à Bruxelles donnée par Sarah Baatout, l’espace a un peu dévoilé ses secrets. Ils ont aussi pu réaliser qu’une expédition vers Mars était une aventure longue, périlleuse et coûteuse. Une conquête spatiale  relève du miracle, une multitude de chercheurs travaillent sur autant de questions qu’il y a d’étoiles dans la voie lactée.
 
Celle qui taraude Sarah depuis longtemps concerne les dérèglements physiques qui affectent notre corps, en particulier notre système immunitaire et notre système cardio-vasculaire lorsqu’ils sont confrontés à des conditions extrêmes de confinement : stress, isolement, apesanteur ou exposition prolongée à des radiations cosmiques. Conditions que rencontreront les astronautes en faisant l’aller-retour vers Mars. "Cela fait longtemps que je m’intéresse à ce qui fonctionne mal dans le corps humain, témoigne Sarah Baatout, toute petite j’étais fascinée par les horribles photos de maladies répertoriées dans les encyclopédies que je feuilletais à la maison. Je voulais trouver des solutions à ces maladies. J’aurais pu faire médecine mais j’ai choisi la recherche, là où se rejoignent sciences et santé".
 
Sarah Baatout se dirige alors vers la biologie puis la radiobiologie et son application dans le traitement du cancer dont les progrès ont nettement fait reculer les effets secondaires. "Aujourd’hui, les traitements contre le cancer sont bien plus efficaces et ciblés, poursuit Sarah Baatout, on est en passe d’adapter les protocoles en fonction du site corporel et du stade de la maladie mais demain on pourra adapter en fonction de chaque patient et de sa radiorésistance en développant des biomarqueurs, tout comme on le fait pour un astronaute en étudiant sa capacité à résister aux radiations ionisantes dans l’espace. C’est essentiel de savoir combien de fois il pourra être exposé aux radiations et faire des « sorties extravéhiculaires sur la surface de la Lune », sans parler d’un voyage vers Mars où il sera confronté à l’espace profond, une mixture de rayonnements galactiques, solaires et cosmiques qui ne peut être arrêtée et qui transperce tout. Non seulement ces radiations sont dangereuses mais l’espace est aussi un lieu qui amplifie les problèmes, poursuit Sarah. On connait les accélérations du vieillissement de la peau, le rythme circadien perturbé puisqu’en orbite le soleil apparaît toutes les 90 minutes, mais il y a aussi les problèmes cardio-vasculaires ou les allergies nouvelles dues au taux  d’immunoglobulines E qui augmente. Il faut en comprendre tous les mécanismes, d’autant que dans l’espace le système immunitaire s’affaiblit, cela peut vite créer de grands problèmes".
 
Tout comme le microbiome de nos intestins qui réagit très différemment en apesanteur, Sarah Baatout a également étudié la stabilité des médicaments emportés par les astronautes lors des missions spatiales et leur résistance au rayonnement.
 
"Lors de notre mission en Antarctique il y a quelques années, au coeur de la station polaire Princesse Elisabeth, nous avons mené plusieurs études. Même s’il est impossible de recréer l’environnement spatial, l’Antarctique est un bon test notamment pour les conditions extrêmes de confinement. Nous avons pu étudier les propriétés de la spiruline, une algue verte déjà utilisée comme complément alimentaire par les astronautes et qui pourrait avoir un effet bénéfique sur la flore intestinale mise à mal par le stress. Jusqu’à 10% de la nourriture des futures missions spatiales pourraient être à base de spiruline".
 
Parmi les projets spatiaux auxquels participe le SCK CEN, l’un des plus ambitieux est le consortium Melissa, commencé en 1989 et qui ne sera terminé qu’en 2030 au plus tôt. Ce projet vise l’autarcie des astronautes, en permettant de produire de l’oxygène, de l’eau et de la nourriture en boucle.
 
La Professeure invitée à l’université de Gand et de Louvain aimerait aussi pousser ses recherches jusque dans l’espace. Sarah Baatout a donc postulé pour faire partie de la prochaine mission  vers la lune en 2024 et sur Mars en 2035. Sky is the limit ? Pour cette passionnée ce serait plutôt vers l’infini et au-delà. 
 
Par Catherine Haxhe
 
Cet article est issu de la Revue W+B n°157.

 

Sarah Baatout à l’Expo universelle de Dubaï © J. Van Belle - WBI
Sarah Baatout
Sarah Baatout à la Station Princesse Elizabeth en Antarctique

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