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Studio Krjst: recherche artistique et création textile

Justine de Moriamé et Erika Schillebeeckx
Justine de Moriamé et Erika Schillebeeckx (c) Krjst & Vrouyr

Chercheuses d'or plus que créatrices de mode, Justine de Moriamé et Erika Schillebeeckx, du Studio Krjst, anticipent les tendances : mixte, no season, croisement des genres, l'oversize... Elles racontent leur approche de la création textile.

À peine diplômées de La Cambre, vous avez lancé votre marque en respectant le rythme de deux collections par an et celui des Fashion Weeks. Puis, très vite, vous avez décidé de prendre un autre chemin.

Dès le lancement de Krjst en 2012, nous avions privilégié une approche ancrée dans la recherche plastique. Mais très vite, nous avons réalisé que notre envie d'approfondir nos recherches, de croiser les genres, d'explorer d'autres voies que celles du prêt-à-porter classique n'était pas compatible avec le rythme effréné imposé par le secteur. Au bout de deux ans, nous nous sommes donc délibérément recentrées sur notre studio en mettant la création de vêtements entre parenthèses. Notre travail s'articule aujourd'hui autour de la création d'images, de la scénographie, du tissage... Avec le recul, cette expérience est positive. Elle nous a permis de définir clairement nos priorités, nos valeurs et ce qui nous plaisait – ou non – dans la création textile.
 
Vous auriez pu tout arrêter, mais ce n'est pas la voie que vous avez décidé d'emprunter...

Effectivement. Nous avons eu la chance – par le biais des réseaux sociaux – de séduire des marques comme Eastpak, Disney, Rochas, Mc Alson et Huawei. De ces rencontres sont nées des produits de consommation (imprimés pour sacs à dos, boxers masculins, fonds d'écran pour téléphone portable...) qui nous ont donné une certaine légitimité commerciale et permis de pérenniser le studio. Dans un même temps, nous avons poursuivi nos recherches graphiques en explorant d'autres facettes de la création textile.
 
L'une de ces facettes, c'est le tissage, une technique qui donne naissance à des œuvres d'art exposées dans des galeries et certains lieux publics.

Nos pièces tissées reflètent parfaitement notre univers, ainsi que les valeurs que nous défendons. Krjst, c'est un laboratoire de recherche, un concentré d'émotions croisées, des bribes d'histoires qui s'entremêlent. Là aussi, nous avons eu la chance que notre travail séduise des galeries, ainsi que des clients privés que notre démarche a touchés. On retrouve l'une de nos œuvres dans le restaurant bruxellois Bouchery qui nous a commandé un triptyque exclusif. Nous avons également collaboré avec N. Vrouyr, un fabricant de tapis artisanal basé à Anvers pour lequel nous avons réalisé deux motifs exclusifs. Nous sommes sur le point de démarrer un projet avec un bijoutier de la capitale et nous participons à la Beyrut Art Fair, à la Fiac et à la YIA Art Fair de Paris.
 
Votre travail à quatre mains est quelque peu atypique. Racontez-nous comment vous travaillez.

Nos recherches graphiques et techniques sont distinctes. Nous réalisons chacune nos propres expérimentations – tant manuelles que digitales – que nous croisons ensuite pour aboutir à l'œuvre finale réalisée sur un grand métier à tisser.
 
Et le vêtement, vous l'avez tout à fait oublié ?

Pas du tout ! Sauf que, là encore, nous avons choisi de proposer une autre expérience du vêtement. En prélude à Inri, le projet que nous avons lancé, nous proposions déjà, via notre site, une série de vêtements mixtes issus des collections que nous avions développées entre 2012 et 2014 : des manteaux et des bombers tissés, des chemises en soie, des foulards... que nous vendions uniquement sur commande, en éditions limitées et numérotées. Nous envisageons le vêtement dans une idée de collection non éphémère que nos clients se constituent et dont ils ne se séparent donc pas au bout d'une saison ou deux.
 
Le vestiaire capsule Inri va dans ce sens ?

Oui, c'est la continuité de la démarche. Cette ligne dont le nom est issu des initiales latines de 'La Nature Renaît Entière par Le Feu' incarne nos valeurs : l'art, l'artisanat, la durabilité. Nous sortirons de nouveaux tissages et imprimés une fois par an. Chaque vêtement- que nous vendons en ligne ou lors de présentations dans des galeries ou des espaces de vente éphémères – dont la galerie Daniel Crouch de Londres dans le cadre de la Frieze Art Fair – sera numéroté et signé avec un maximum de sept pièces par modèle.
 
Sur une même pièce, on retrouvera donc l'ensemble de votre univers...

Oui, avec cette idée de durabilité dans le choix des matières. Sur un même manteau tissé, on pourra retrouver du caoutchouc, du mohair, du raphia, du coton, des matières qui sont tissées sur de grands métiers reliés à des ordinateurs. Cette technique nous permet de réaliser des motifs ultra sophistiqués et de créer des ponts entre artisanat et technologie. Quant aux imprimés de nos chemises en soie, ils sont le fruit d'objets que nous avons laissés s'oxyder, puis que nous avons scannés pour créer d'étranges motifs aux reflets cuivrés. Ces expérimentations font partie intégrante de notre démarche. Elles nous passionnent tellement que nous espérons un jour pouvoir ouvrir les coulisses de notre univers et montrer aux gens l'envers du décor.
 
Vous nous avez beaucoup parlé de vos recherches sur la matière. Et la forme dans tout ça ?

Nous sommes restées fidèles à une identité qui est déjà la nôtre depuis notre sortie de La Cambre: un côté japonisant, des emmanchures arrondies, des volumes exagérés dans un esprit oversize, une approche unisexe... Nous avons toutefois voulu perfectionner nos modèles fétiches, toujours dans cette idée de pousser plus loin nos recherches sur la matière et les formes.
 
Par Marie Honnay
 
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