Au quotidien, la poursuite de la relance de la Wallonie passe par le dynamisme de ses habitants mais aussi par la constante amélioration des compétences de ses dirigeants. Ces derniers doivent continuer à se former pour pouvoir offrir les meilleures opportunités et prendre les décisions les plus éclairées. Dans ce contexte, 12 représentants de l’écosystème wallon ont suivi le MIT REAP (voir encadré) aux USA.
Ponts entre innovation et entrepreneuriat
Tout a commencé début 2020 quand Wallonie-Bruxelles International (WBI) a mené une mission à Boston qui a permis de rencontrer de nombreux partenaires économiques, technologiques et scientifiques et de renforcer les liens avec les meilleurs programmes nord-américains pouvant servir les intérêts de la Wallonie. Parmi les initiatives présentées, le MIT Regional Entrepreneurship Acceleration Program (MIT REAP) avait retenu l’attention des participants. Ce programme de deux ans a pour objectif d’accompagner les acteurs stratégiques à multiplier les ponts entre l’innovation et l’entrepreneuriat et d’accélérer les progrès économiques et sociaux de la région participante avec de nouvelles stratégies innovantes. Ce programme existe depuis 10 ans et 80 régions y ont jusqu’à présent participé.
Cinq domaines spécifiques
La Wallonie a été acceptée dans la cohorte 2021-2023 après avoir candidaté en octobre 2020. Ce groupe de 12 représentants de l’écosystème wallon (voir encadré) y a participé pour soutenir la mise en œuvre de la stratégie de relance économique, en particulier dans le contexte de la réindustrialisation et de la reprise post-Covid. « Cela nous offre des opportunités de réflexions et d’échanges enrichissantes. Le programme MIT REAP vient en appui à l’implémentation et au développement de la stratégie du Plan de relance wallon, à la politique des pôles de compétitivité, mais également en prolongement de la Stratégie de spécialisation intelligente de la Wallonie (S3), des cinq Domaines d’initiative stratégique (DIS) et du développement des dix-neuf Initiatives d’innovation stratégique (IIS) » explique Pascale Delcomminette, Administratrice générale de WBI et de l’Agence wallonne à l’exportation (AWEX) et participante au programme MIT REAP.
Trois thématiques
Quand la Wallonie s’est lancée dans l’aventure, elle était accompagnée d’autres régions : Egypte, Caldas (Colombie), Rio De Janeiro (Brazil), Los Angeles (Etats-Unis), Irlande du Nord (Royaume-Uni), Province orientale (Arabie Saoudite). L’équipe wallonne (« Team Wallonia ») incluait des représentants des cinq secteurs clés (pentagramme) : entreprises, capital-risque, universités, entrepreneuriat et gouvernement, conformément à la méthodologie du MIT REAP. Dominique Demonté, CEO du BioPark de Charleroi rappelle les enjeux : « De nos jours, un de nos défis est, tout en poursuivant leurs développements, de devenir moins dépendants des secteurs de la biopharmacie et de la Biotech, deux secteurs qui ont connu un grand succès ces dernières années (en termes de R&D, d’investissements, d’emplois, d’exportations...), et de reproduire cette réussite dans d’autres secteurs ».
Hydrogène, économie circulaire et technologies numériques pour la transition
A chaque étape, la réflexion évite l’approche en silo comme l’explique Pascale Delcomminette : « Nous ne travaillons pas seuls. Nous avons consulté les entreprises et l’écosystème wallon rassemblant les pôles de compétitivité, l’Union wallonne des entreprises (UWE), les fédérations sectorielles (Agoria, Fevia, Essenscia, CCW), Waltech, le FOREM, l’Agence du numérique (AdN), Wallonie Entreprendre et le Service public de Wallonie Economie, Emploi, Recherche (SPWEER)… Avec ces acteurs nous avons évoqué la pénurie de main-d’œuvre, la formation adaptée, la digitalisation des processus, le renforcement des écosystèmes, la structuration et le renforcement des chaînes de valeurs, la sous-spécialisation par territoire ; mais aussi la cybersécurité, le recyclage (reverse metallurgy), les filières stratégiques, le manque de financement de capital à risque, le manque de diplôme en STEM, l’amélioration des liens avec les universités... ».
« Team Wallonia » a collaboré avec des acteurs clés en organisant notamment un workshop en Wallonie réunissant 80 représentants de l’écosystème wallon et auquel un professeur au MIT a participé en jouant un rôle inspirant important. L’atelier s’est concentré sur les sousthèmes du Cleantech, notamment l’hydrogène (par exemple la production et le stockage d’hydrogène en concertation avec le Port d’Anvers et le von Karman Institute for Fluide Dynamics), l’économie circulaire (reverse metallurgy et mineral metallurgy) et les technologies numériques pour la transition. « L’ambition est à terme de reproduire pour les Cleantech les succès engrangés dans les sciences de la vie (Biotech) en Wallonie, en étendant les bonnes pratiques au secteur Cleantech », ajoute Dominique Demonté. « Nous sommes aujourd’hui reconnus en tant que Biotech valley, demain nous voulons aussi l’être aussi comme Cleantech valley ».
Du concret sur le terrain
Ce travail a permis de déjà dégager certaines actions sur le terrain comme les deux hubs Cleantech, labellisés MIT REAP. Le District Cleantech à Charleroi a aussi été renforcé en tant qu’écosystème local. Le « Heart for Cleantech » (Cœur de Hainaut) a été initié. Enfin, le projet REMIND s’appuie sur le modèle de pentagramme MIT REAP, impliquant cinq parties prenantes. Un climathon a été organisé. Par ailleurs, l’AWEX a décidé, parmi d’autres actions ciblées « cleantech », de financer un stand conjoint au World Hydrogen Summit 2024 à Rotterdam, en collaboration avec les deux autres Régions et le gouvernement fédéral, sur l’initiative du « Belgian Hydrogen Council ».
Un travail bénéfique sur le long terme
Ce projet MIT REAP donne à la Wallonie l’accès à un réseau incroyable de connexion mondiale : « Nous devenons des ‘alumnis’. Nous sommes connectés durablement avec les équipes du MIT et singulièrement de la MIT Sloan School of Management. Nous voulons évidemment sensibiliser les autorités politiques régionales en partageant un mémorandum mettant en avant l’importance des 5 parties prenantes dans tout projet structurant ainsi que la nécessité de transformer la Wallonie en une cleantech valley » explique Pascale Delcomminette, qui ajoute qu’« il est aussi indispensable d’organiser une gouvernance efficace en mettant en place une structure de coordination, de pilotage et de suivi des projets (une ‘backbone organization’). Cette étape est cruciale pour maintenir notre dynamique, mais elle nécessite du temps. Nous avons une structure transitoire avec les membres de ‘Team Wallonia’ qui agit comme une ‘delivery unit’ qui aura un temps de vie limité pour l’organisation et la coordination de projets spécifiques, tout en contribuant à la définition et à la structuration de l’organisation finale. Enfin, il faut construire une image ‘Cleantech Wallonia’ plus forte à l’international ».
Les projets à venir sont nombreux (un concours de business plan dédié aux Cleantech via le programme FR2B, un appel « GreenBooster » en partenariat avec WSL, un sommet international sur les cleantech...) et placeront durablement la Wallonie sur la carte Cleantech en créant une offre forte d’entrepreneurs innovants dans ces secteurs d’avenir.
La méthodologie MIT REAP, cela consiste en quoi ? Trois points à retenir
Elle repose sur les fondamentaux suivants :
- La nécessité de mobiliser systématiquement les cinq parties prenantes (corporate / risk capital / universities / entrepreneurship / government).
- Une connexion permanente entre les éléments de stratégie, le système et les parties prenantes : chaque partenaire joue un rôle clé et doit être mobilisé dans l’élaboration d’une stratégie.
- L’importance, pour obtenir un impact important dans une région, d’une connexion forte entre les capacités d’entrepreneuriat (E-Cap) et les capacités d’innovation (I-Cap) dans les secteurs où il existe des avantages comparatifs.
Une équipe transversale
La Wallonie a constitué une équipe de douze représentants, décideurs et experts issus des cinq piliers du pentagramme (« Team Wallonia ») :
- Simon Alexandre, General manager & Partner – The Faktory Fund
- Fabrice Brion, CEO de I-Care
- Pascale Delcomminette, Administratrice générale WBI et AWEX
- Dominique Demonté, CEO – BioPark de Charleroi
- Sébastien Durieux, VicePrésident – WE
- Sophie Joris, CEO – La Smala / former Director – VentureLab
- Marc Labie, Professeur – 1er Vice-recteur UMons
- Sylvie Marique, Secrétaire générale – SPW
- Amélie Matton, CEO de AMB – Ecosteryl
- Sylvie Ponchaut, Managing Director – BIOWIN
- Marc Van Den Neste, Ecosystem Director – District Cleantech / former Research and Innovation Public Affairs - AGC Glass Europe
- Gérome Vanherf, CEO – La Grand Poste
Quel changement sur le terrain ?
Par exemple, les interventions stratégiques déployées au sein des régions suite au programme MIT REAP : les plus courantes sont la constitution de nouveaux Partenariats Publics-Privés (27%), la création ou le renforcement de Centres d’Innovation (18%), la mise en place de nouveaux Programmes de Formation (16%), l’établissement de Programmes d’Accélération pour entreprises (12%) ou encore l’implémentation de Nouvelles Règlementations Publiques (11%).
Par Vincent Liévin
Cet article est issu de la Revue W+B n°164.