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Décarbonation, carburants de synthèse ou encore matériaux composites, la neutralité carbone du secteur de l'aviation a constitué l'enjeu numéro 1 du Salon International de l’Aéronautique de Paris (Bourget). Parmi les 52 sociétés constituant la délégation wallonne présentes au SIAE, plusieurs sont venues présenter leurs innovations destinées à décarboner le secteur. Nous avons rencontré la société D-Carbonize, entreprise spécialisée dans le reporting d’émissions de gaz à effet de serre industriels. Une pièce indispensable du puzzle pour à la fois cartographier les émissions de GES industrielles et proposer aux sous-traitants et partenaires des grands constructeurs de l'aéronautique des solutions pour garantir le respect des critères ESG auprès de ces derniers. Nous avons fait le point avec Frederic John, COO de D-Carbonize. Rencontre.

 

Le Salon du Bourget 2023 a confirmé que le marché de l’aéronautique est à la fois en pleine reprise et en pleine mutation. L’annulation de l’édition 2021 du Salon en raison de la pandémie mondiale avait été symptomatique de la crise que le secteur a traversé. Il paraissait stable et résilient mais la pandémie a dévoilé certaines de ses faiblesses et l’a poussé à se remettre en question. Plus de trois ans après le premier confinement, la situation n’est toujours pas revenue à la normale et le niveau de productivité ne remonte que très lentement. La production et la livraison d’avions tournent encore au ralenti. Dans toute l’Europe, et même au-crise de la demande s’est muée en crise de l’offre, avec un manque de matières premières, de composants, d’équipements, de transport, de main-d’œuvre et de capacité de production des fournisseurs.

 

Pour un secteur aéronautique plus durable

Selon l’Agence européenne pour l’environnement, l’aviation représenterait 3,8 % des émissions totales de gaz à effet de serre de l’Union européenne. Même si la consommation de carburant par passager au kilomètre a été divisée par deux au cours des 30 dernières années, le trafic aérien a lui été multiplié pratiquement par cinq. Les émissions associées ont donc plus que doublé. Le parlement européen vise à réduire les émissions de 55 % avant 2030 et souhaite les supprimer totalement avant 2050 pour devenir climatiquement neutre. Les compagnies aériennes, les constructeurs et les équipementiers travaillent donc à des solutions pour atteindre ces objectifs.

Les principaux constructeurs consacreraient la quasi-totalité de leurs projets d’innovation à la réduction de l’empreinte carbone de leurs appareils. Les avions sont devenus plus légers grâce aux matériaux composites et les motorisations moins gourmandes en carburant grâce à des systèmes de régulation numériques innovants. L’utilisation de Carburants d’aviation durables (CAD) est également une piste en développement, mais leur utilisation à grande échelle demeure encore lointaine. De plus, les ressources destinées à la productions de ces carburants sont déjà utilisées pour d'autres usages, ce qui rendra l'offre bien inférieure à la (future) demande. Bref, on n'y est pas encore.

En résumé, le secteur s'attend à ce que les carburants verts et le renouvellement des flottes aient un impact significatif à moyen terme, mais l’objectif à long terme d'une décarbonisation total avec la commercialisation d'un avion zéro émission en 2035 reste encore lointaine.

 

Décarbonation totale : Des outils pour agir sur toute la chaine de production

Les 2500 exposants qui se retrouvent au SIAE viennent donc animés par de nouvelles préoccupations et ambitions. Les professionnels du secteur doivent trouver des solutions pour surmonter les difficultés structurelles tout en répondant aux nouvelles attentes des consommateurs et aux exigences des autorités européennes en termes.

La société wallonne D-Carbonize, présente avec la délégation Belgian Aerospace au Paris Air Show, nous parle des enjeux du secteur, des solutions qu’elle propose pour aider sous-traitants et constructeurs à calculer faire le reporting de leurs émissions de gaz à effet de serre auprès de leurs clients. Frederic John, COO de D-Carbonize nous explique comment préparer un salon quand on est une PME de 15 personnes et que l’on doit aller tutoyer les plus importantes sociétés mondiales. 

 

Wallonia.be : Hello Fréderic, Alors, vous faites quoi ? Des moteurs d’avions ? Des rivets ?

Frederic John (FJ) : Du tout. Nous ne faisons pas de hardware, nous proposons des outils permettant des calculs et du reporting des émissions de gaz à effet de serre (GES) des activités des industriels de tous secteurs, y compris de l’aéronautique. Nous permettons à nos clients de répondre aux requêtes insistantes et de plus en plus nombreuses de leurs partenaires, souvent des constructeurs, qui souhaitent connaître en détails les émissions de GES de leurs sous-traitants. Il faut savoir qu’aujourd’hui les constructeurs aéronautiques doivent être en mesure de connaître les émissions totales de leurs avions, pas seulement au niveau de la consommation, mais également de leurs composants.

Wallonia.be : C’est pour cette raison que vous êtes au SIAE ?

FJ : Tout à fait. Ce secteur est particulièrement concerné par ses émissions de GES et donc nous sommes ici, d’une part pour voir avec les différents acteurs de l’industrie où en sont-ils dans la mesures de leurs émissions carbones, quel est leur niveau de compréhension techniques de ces enjeux, de leur maturité… Pour être clair, on parle bien ici de toute la chaîne, des assembleurs mais aussi des producteurs de câbles, rivets… pas que des compagnies aériennes ou des motoristes. Ensuite évidemment on tente de se faire connaitre, de présenter notre produit...

Wallonia.be : Que proposez-vous de plus que vos concurrents ? Ce type d’outils n’existe-t-il pas depuis longtemps ?

FJ : Nous avons développé une très bonne expertise avec les milieux industriels et manufacturiers, contrairement à d’autres plutôt spécialisés dans les PME, les services… Notre produit est bien adapté pour la prise en compte de la complexité des entreprises industrielles pour collecter les données, les rassembler, les réunir et réaliser des rapports dédiés. Nous proposons une véritable plateforme, unique en son genre, d’audit carbone. Dans un avenir proche, les bilans carbones vont devoir être systématiquement audités et les entreprises devront être beaucoup plus rigoureuses et précises. Nos rapports sont labéllisables directement, avec toutes les certifications internationales reconnues (ex : Greenhouse Gas Protocole, ISO 14064, ADEME…). C’est un gain de temps considérable pour nos clients.

Wallonia.be : Plus de place pour le greenwashing du coup ?

FJ  : Exactement. Tout sera calculable et justifiable, sur des bases scientifiques et reconnues.

Wallonia.be: Du coup, quel est votre prospect type ici au Bourget ?

FJ : C’est le réseau de fournisseurs qui alimentent nos ‘locomotives’ belges, passez-moi l’expression, ici en Belgique, comme la Sonaca, Sabena… Ces entreprises-là ont déjà bien conscience de l’importance de tenir et présenter leur bilan carbone. Mais une grosse partie de leur bilan total concerne des produits ou technologies acquises via leurs sous-traitants. Ils demandent donc à ces derniers de rentrer dans ces mêmes démarches. Si ces sous-traitants veulent rester dans le game, ils ont intérêt à s’adapter dès maintenant. Et nous sommes là pour ça, pour leur fournir ce qui leur manque. In fine, elles restent compétitives et anticipent par la même occasion les futures législations européennes.

Wallonia.be : La plupart de vos clients sont belges ou étrangers ?

FJ : La plupart de nos clients sont situés en Belgique mais nous opérons pour eux dans une dizaine de pays, principalement en Europe, en Afrique et en Turquie. C’est assez logique, nos clients étant des industries, une fois que nous avons démontrer la qualité de notre produit et de nos services sur notre territoire national, ils nous demandent de travailler avec leurs unités basées dans d’autres pays.

 

Le programme wallon WINGS, pour soutenir la décarbonation de l’aéronautique

Le ministre wallon de l’Économie, Willy Borsus a annoncé au SIAE l’extension d’un an du programme WINGS (Walloon Innovations for Green Skies), un partenariat d’innovation destiné à soutenir la transition écologique de ce secteur industriel de pointe à forte valeur ajoutée. L'objectif est de développer et supporter des activités R&D pour préparer l'aviation décarbonée et travailler à l'aviation du futur. En ligne de mire : l'ambition d'être, comme l’IATA l’a proposé, un avion totalement décarboné en 2050, et, comme Airbus le souhaite, disposer d'un prototype volant en 2035. Une prolongation qui permettra d’injecter 20 millions dans le secteur, qui s’ajouteront aux 82 millions déjà investis. L’initiative Wings rassemble 21 partenaires mobilisés dans la décarbonation du transport aérien, dont trois leaders du secteur (Sonaca, Safran Aero Boosters et Thalès), onze PME et sept centres de recherche, mobilisés autour des défis des futures générations d'avions et de moteurs et engagés dans la décarbonation du transport aérien.

Mis sur les rails en novembre 2020, le programme a permis de mobiliser plus de 300 personnes dans des projets de recherche et d'innovation dont certains ont déjà débouché sur des résultats concrets. Parmi ceux-ci, deux initiatives du motoriste liégeois Safran Aero Boosters: un échangeur de chaleur révolutionnaire destiné aux prochains programmes de moteurs aéronautiques, et le compresseur basse pression pour le projet RISE de réacteur non caréné, qui doit voir le jour pour 2035.

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