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Le secret de la bonne santé du secteur des biotechs wallonnes

Unité de production chez KiOmed Pharma
Unité de production chez KiOmed Pharma (c) KiOmed

"Aujourd’hui, le secteur des biotechnologies en Wallonie montre une telle croissance qu’il possède une taille disproportionné par rapport à sa taille réelle en Europe ou dans le monde."

Aux quatre coins du monde, les sociétés de biotechnologies wallonnes ont conquis les investisseurs. Les chiffres donnent le tournis. Selon l’Echo, pas moins de 687 millions d’euros ont été investis dans les entreprises des sciences du vivant wallonnes récemment. Aujourd’hui, les entreprises biotechnologiques belges valent 27 milliards d’euros, selon les chiffres de KBC Securities.
 
Derrière ces centaines de millions d’euros, des hommes et des femmes travaillent au quotidien. D’autres prennent des risques, investissent ou quittent parfois un métier de professeur d’université ou de médecin dans un hôpital pour tenter de concrétiser une idée, une recherche. Ces « biotechs » ont des impacts de plus en plus concrets dans la vie des Belges : Imcyse (lutte contre le diabète), EyeD Pharma (implants intra-oculaires), KiOmed Pharma (arthrose du genou) ou Osivax (vaccins contre la grippe)...
 
Les autorités investissent aussi dans des infrastructures pour absorber ces nouvelles pépites : agrandissement du zoning de Gosselies, développement d’un nouveau bâtiment près d’Erasme sans oublier le LegiaPark à Liège, un centre dédié aux start-up spécialisées (salles blanches, zones de petite production, des centres de stockage...). 

Un écosystème à long terme

Acteurs privés et publics gardent un oeil attentif sur le secteur. L’un des plus influents est la SRIW, société d’investissement, où Gery Lefebvre est Investment Manager Life Sciences. Il insiste sur l’ancrage dans un très bon écosystème : "La SRIW a un rôle fédérateur. Nous écoutons toujours les projets et cherchons à les mettre en relation avec les meilleurs acteurs qui favoriseront leur développement. Par ailleurs, l’Awex nous permet aussi d’avoir rapidement accès à des acteurs étrangers compétents pour certains dossiers de recherches ou de financements."
 
Les récentes levées de fond de Miracor (spécialisée dans la cardiologie interventionnelle), de Hyloris ou encore d’Univercells en sont de bons exemples. Cette dernière mise pleinement sur la production de ses vaccins à bas prix comme l’explique Hugues Bultot, un des deux fondateurs avec José Castillo : "Nous travaillons sans relâche pour avoir des sites de productions adéquats et à terme engager de nombreuses personnes." Dans un autre domaine, la biotech Oncomfort poursuit son travail de recherche (lutte contre l’anxiété des patients au travers des lunettes de réalité virtuelle)... sans oublier le travail de la biotech Novasep dans l’aboutissement d’un des premiers vaccins anti-Covid produit par AstraZeneca.

Penser à la mutualisation

Toutes ces aventures sont possibles selon Jean-Claude Havaux, CEO de Zen Tech (test covid), parce que sur le terrain, il existe un tissu de sociétés très compétentes "Après des années d’investissements dans un écosystème réactif. A titre d’exemple, cela a été utile pour le testing dans cette crise." Il ajoute qu’ "il existe un terreau qui peut aussi compter sur des grands acteurs pharmaceutiques comme GSK, tant sur le médicament que l’immunologie. Cela génère une sous-traitance scientifique qui est, certes, orientée... mais bénéfique pour de nombreux acteurs."
 
Tout n’est cependant pas tout rose selon lui : "A présent, il faut une masse critique pour poursuivre la croissance. Notre marché interne n’est pas assez grand. En plus, la pression du milieu réglementaire et international nous empêche de devenir des grands tout seuls." Il pense qu’il est temps de penser à la mutualisation : "Tout le monde essaie de faire quelque chose dans son coin... mais l’outil de base, la moissonneuse batteuse, on peut l’acheter ensemble et la louer pour que chacun fasse son champs seul après."

L’argent est réinjecté

Lorsque la biotech Ogeda (qui produisait un médicament pour soulager les femmes ménopausées) a été vendue pour 800 millions au japonais Astellas, deux des fondateurs, Jean Combalbert et Graeme Fraser, ont réinjecté une partie de leur argent notamment dans Epics Therapeutics (médicaments contre le cancer) et dans la création d’un fonds d’investissement « Eden Biocapital ». Pour François Blondel, CEO de Delphi Genetics, ce réinvestissement est essentiel pour la pérennisation et les développements futurs : "J’ai revendu les parts de mon entreprise en 2010 (start-up médicale de traitement du cancer). J’ai réinvesti. J’ai soutenu une quinzaine d’entreprises." Pour lui, cet aspect est indispensable : "Aujourd’hui, j’ai des fonctions dans quatre sociétés : deux à Charleroi et deux à Liège : Oncodna, Delphi Genetics, Kitozym et KiOmed Pharma." Il y voit un grand espoir : "Des entreprises wallonnes, aujourd’hui, font des OPA sur des entreprises à l’étranger. Elles font de la croissance externe (Oncodna). Cela prouve une certaine maturité du marché. On crée une spirale vertueuse." Enfin, cerise sur le gâteau, le financement est de plus en plus accessible selon lui : "Les fonds flamands ont été encore plus attirés par la Wallonie après la vente d’Ogeda. La clé, c’est la valeur que l’on crée. Un succès comme celui-là, c’est un message à la population qu’il faut faire preuve d’audace. Allez-y."

L’importance des fonds d’investissement

Agnès Flémal, directrice de WSL, incubateur wallon des sciences à Liège, abonde en ce sens : "Ces fonds wallons et internationaux (USA, Asie...) ont des effets relais et leviers !" Elle rappelle l’importance du financement de la recherche pure et appliquée "via les universités et les centres de recherches... et le transfert à des startup qui vont les valoriser."

L’emploi

Aujourd’hui, si le secteur est florissant, il manque toujours au moins 2500 personnes à tous les échelons : ingénieurs, techniciens, opérateurs, contrôle qualité, gestionnaires de projets, management... Voilà de magnifiques opportunités !
 
Par Vincent Liévin
 
Cet article est issu de la Revue W+B n°150.

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